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éditions la bibliothèque actualités catalogue l’écrivain voyageur les billets les portraits coll. les cosmopolites les utopies les bandits les navigations coll. l’ombre animale les éditions événements presse interviews boutique panier nous contacter menu actualités catalogue l'écrivain voyageur les billets les portraits coll. les cosmopolites les utopies les bandits les navigations coll. l'ombre animale les éditions événements presse interviews boutique panier nous contacter actualités dernières parutions songe à ceux qui songèrent de michéa jacobi, vu par alcofribas au carrefour avis sur songe à ceux qui songèrent publiée par alcofribas , sens critique partie intégrante de vingt-six volumes (un titre par lettre de l’alphabet) regroupant chacun vingt-six portraits (un nom par lettre de l’alphabet) autour d’un thème défini, songe à ceux qui songèrent se place à mi-chemin, peut-être faudrait-il dire à tiers-chemin, de plusieurs traditions : celle des biographies express, celle des mélanges thématiques et peut-être celle de l’exercice de style – en gros, entre le marcel schwob des vies imaginaires , le ben schott des miscellanées et le georges perec de la vie mode d’emploi (1). ça pourrait être fastidieux. ça ne l’est pas, notamment grâce au style – beaucoup plus fluide et digeste que celui de la phrase qui ouvre cette critique. l’auteur sait brosser des esquisses aussi laconiques que justes, comme lorsqu’il parle de « yachine, la figure la plus consensuelle qu’ait jamais produite l’urss » (p. 163-164) ou de « robert desnos, le moins universitaire de la bande [des surréalistes], le plus enfant des rues peut-être » (p. 29). il alterne sans pédanterie ni effets de manche, parfois dans un même paragraphe, entre portrait particulier et digressions générales : « au moins fait-il [frédéric d’urbino] en sorte de mourir à la bataille. nous ne sommes pas toujours inférieurs à nos rêves » (p. 149). tout ceci est donc assez borgesien, finalement. ce n’est pas un hasard si l’auteur de l’ histoire universelle de l’infamie est cité en toute fin d’ouvrage. comme borges, michéa jacobi à l’élégance de ne jamais sous-estimer son lecteur, ni le plaisir que ce dernier peut éprouver à s’arrêter pour réfléchir au milieu d’un bouquin comme on s’arrête dans un jardin pour respirer une fleur. ainsi nerval est-il qualifié de « romantique romantique, dans le sens que l’on donne aujourd’hui couramment à ce mot » (p. 106). et tout comme chez borges, le sérieux dans songe à ceux qui songèrent n’exclut pas l’humour, cette autre forme de l’élégance – cf. la notice consacrée à « jérôme bosch, inventeur de choses bizarres ». du reste, il est toujours plaisant de se voir rappeler que la littérature non seulement parle des autres domaines de l’esprit humain (il y a dans songe à ceux qui songèrent des peintres, des philosophes, des théologiens, des architectes…), mais qu’elle parle de la réalité de tous les temps. depuis les pythagoriciens jusqu’à donald trump. oui. (1) l’ensemble s’appelle humanitatis elementi . il devrait se constituer de six cent soixante-seize portraits. le lecteur qui pratiqua autrefois le calcul mental aura remarqué qu’après les lettres w ( walking class heroes , 2012), x ( xénophiles , 2015) et r ( renonçants , 2016), on n’attend donc plus que vingt-deux volumes. s’il faut une autre référence, on peut penser aux 76 clochards célestes ou presque de thomas vinau. harold de louis stéphane ulysse, chronique de sur une île j’emporterais d’isabelle louviot romans, nouvelles, etc. hitchcock en amérique, à coups de griffes 10 juillet 2018 isabelle louviot harold , louis-stéphane ulysse, la bibliothèque, 2018 si sur une île je devais n’emporter qu’une seule filmographie ce serait celle d’hitchcock. éclatant du visible tranchant sur le sombre du secret, chaque film comme une succession de couches à détacher une à une sans être jamais sûr du noyau auquel on parvient. des films vus et revus sans épuisement. un peu comme les peintures de hopper, deux esthétiques classiques et l’obsession de la construction impeccable. sous la clarté des films de l’un et des peintures de l’autre, l’effroi, l’impureté, le désordre, le manque. de la fin des années 1950 aux années 1980, le roman de louis-stéphane ulysse explore l’ombre d’hitchcock et celle de l’amérique. il le fait à coups de griffes, à l’image de son personnage principal, un corbeau nommé harold. lumineuse peinture d’un monde en noir. harold vient de vienne, il appartenait à un magicien qui lui a appris des tours et son nom a été gravé sur une bague argentée. l’homme s’approche. d’un geste précis, il resserre la bague, encore fumante, autour de la patte du jeune corbeau. le cri est strident et les autres corbeaux lui répondent avec frénésie. le vacarme se propage par vagues jusqu’aux voûtes les plus éloignées, transformant les catacombes en volière infernale . et sans doute que l’enfance d’harold s’est arrêtée à cet instant précis quand les flammes du brasero dansaient encore en reflet dans ses prunelles noires. trait d’union mystérieux, noir et violent du roman, harold passe de la vieille europe à l’amérique des années 1960 hantée par ses rêves de réussite, d’argent, secouée de dérives mafieuses et de sursauts puritains. le même trajet qu’hitchcock qui, à partir de rebecca (1940), réalisa tous ses films à hollywood (hors le dernier, thriller britannique, frenzy , 1975). février 1962, bodega bay, le tournage des oiseaux débute sous tension. jouer avec les caprices océaniques de la météo, se débrouiller avec les volatiles (les capturer, les lâcher, s’en protéger, les protéger puisque la ligue de protection des oiseaux veille, user de doublures mécaniques… tout y passe), temps et argent ne font qu’un sur un tournage. c’est là qu’harold rencontre la blonde tippi hedren qui joue le rôle de mélanie (du grec , la noire ). une première, elle était mannequin. hitchcock aime fabriquer, pour mieux la contrôler, la célébrité, surtout celle des femmes. très finement documenté, le roman de l.s. ulysse reconstitue l’atmosphère du tournage et ses suites, tire des fils à partir de certains personnages pour multiplier les intrigues, les reliant au noir de l’histoire des états-unis. il manie le pinceau sans s’attarder, à coups de brosse secs, précis, qui éclairent, amorcent, démultiplient les ombres, nous plongeant dans le poisseux. l’un des fils a des airs de mini-série racinienne : hitchcock aime hedren qui aime harold qui n’aime personne. du grand contrôleur des émotions d’autrui, quelques brèches sont montrées, savoureuses. hitch consulte… un graphologue allemand pour tenter de résoudre l’énigme de la blonde glacée. — cette femme est-elle folle ? — rien dans son écriture ne permet d’affirmer une chose pareille. je crois que c’est une personnalité introvertie, lente, en quête d’absolu mais lucide… — alors pourquoi est-elle si froide ? — sa froideur est une façon de gagner du temps pour réfléchir, de se protéger… oui, sans doute a-t-elle besoin d’être protégée. —justement, c’est ce point-là que je ne comprends pas chez miss hedren : je peux la protéger, je ne demande que ça, mais elle ne le veut pas… et le graphologue de conclure : je pense, cher monsieur, que nous gagnerions du temps en analysant votre propre écriture. et hitch de conclure : je ne crois pas que cela soit une très bonne idée. des dialogues revêtus de tailleurs parfaitement ajustés, toute en élégance extérieure, avec au-dessous, les tourments du maître. c’est sa femme, alma qui en parle le mieux. de vertigo , l.s ulysse lui fait dire que c’est l’histoire d’un homme qui ne voit pas son désir pour une femme vivante parce qu’il est aveuglé par une femme qui est morte . on pourrait ajouter que c’est aussi l’histoire de fenêtre sur cour, de rebecca ou de psychose et que l’attrait d’hitchcock pour la femme froide peut s’entendre de deux façons. si le roman de l.s. ulysse s’abreuve largement au réel, son invention tient à sa façon de le conter, glissant avec aisance d’un personnage à l’